Quand les comédiens doivent travailler gratuitement ou presque.


Les offres « d’emplois » bénévoles se multiplient et on peut penser qu’elles seront de plus en plus présentes.

Entre ceux qui pensent monter la pièce du siècle et ceux qui, tout simplement, font des économies, être payés pour son travail tient de plus en plus du miracle !

Je ne travaille pas gratuitement, JAMAIS ! D’abord, parce qu’il est interdit de faire du bénévolat dans son métier et que Pôle-emploi peut choisir de cesser de vous indemniser. Ce qui est arrivé, il n’y a pas longtemps, à des amis qui travaillaient à la « recette ». Ensuite, parce qu’il faut arrêter de prendre les gens pour des idiots.

Pour monter mes spectacles j’économise, je cherche des co-producteurs ou des sponsors. Je ne suis ni plus intelligente ni plus motivée que la moyenne donc, si j’y arrive, d’autres devraient pouvoir le faire aussi !

Alors, certes, je ne peux monter qu’une pièce tous les deux ans en moyenne, alors que je pourrais en créer une tous les trois mois, mais il est plus important pour moi d’être honnête avec ceux qui travaillent avec moi que de monter une masse de projets.

En lisant les annonces je me demande, souvent, si certains n’ont pas un vrai problème avec les maths. Mettre six comédiens sur scène dans une salle de cent places, quand il faut payer la location de la salle, la TVA sur les places, le metteur en scène, le régisseur et les comédiens sans oublier les charges sociales, n’est possible qu’avec des places à 45 euros et en salle pleine. Comme, avec les sites de réductions sur les billetteries le prix des places est de plus en plus proche de 5 euros et les salles rarement pleines à craquer, autant dire que les mathématiques sont contre le projet ! Et comme disait mon grand-père « contre les mathématiques, on ne peut rien »!

Mais, comme Paris n’est qu’une vitrine, il parait qu’après ils vont vendre des centaines de dates en province… Franchement, après avoir passé l’année à jouer à la recette, il vous est souvent arrivé de faire une tournée de dingue de cinquante dates bien payées derrière ? Au mieux, vous finirez en galère à Avignon, pour vous crever encore un peu plus pour toujours moins d’argent.

Allons, pourquoi pas ? Il faut savoir garder l’espoir a dit l’autre…

Disons que, dans le monde du théâtre. on a affaire à des rêveurs, car rares sont ceux qui finiront par réellement vendre leur spectacle dans de bonnes conditions et pour plus de dix dates…

Côté médias vidéos on se retrouve plus facilement face à des arnaqueurs, des films avec des têtes d’affiche qui finissent par manger tout le budget… La figuration devient alors gratuite et les petits rôles payés au tarif de la figuration. Mais dans ce monde là, pas de problème. La terre entière veut devenir une star et voir sa bobine sur les écrans, donc, les gens postulent quand même, en ayant l’impression que c’est la chance de leur vie. Ils ne se rendent pas compte qu’ils tuent un métier. L’autre jour, je lisais un article dans la presse américaine qui expliquait comment l’amateurisme et le fait de vouloir prendre de moins en moins de risques sur le film était en train de couler le cinéma américain. Alors la chute de celui-ci n’est sans doute pas pour demain, mais on peut voir que la qualité baisse de plus en plus alors que la technique, de son côté, ne fait que se perfectionner.

Nous avons aussi les pseudos-pros, ceux qui vous assurent que, même s’ils n’ont pas d’argent pour vous payer ou louer le matériel (que vous devrez apporter) le film fera le tour des festivals. Et comme de bien entendu, ce film sera génial et vous serez super connu. Seulement… seulement le truc qui « bug » là dedans est pourtant LE truc essentiel : l’inscription aux festivals est payante !! Point d’argent, point de suisse qu’il a dit l’autre…

Je sais qu’il est difficile de dire aux gens de refuser des cachets sous-payés, quand ils ont besoin d’heures, ou de ne pas bosser gratos parce que du coup les conditions des petits théâtres qui étranglent les compagnies changeront, mais pourtant c’est vrai. J’ai débuté, il y a un bail, je gagnais mieux ma vie (et c’était le cas de tous les emplois du spectacle) et on montait des spectacles plus facilement parce qu’au lieu de demander une location ou un minimum garanti, les théâtres co-produisaient les spectacles. Bizarrement, là encore, la qualité était meilleure vu que le théâtre prenait un risque… Aujourd’hui, les auditions pour des pièces ne sont que des formalités pour voir si vous pouvez payer…. Et je ne parle même pas de la multiplication des salles, incroyable, tous ces petits théâtres !

Alors je n’ai pas de solution miracle, mais, à l’usage, j’ai appris qu’il vaut mieux être plus exigeant et travailler un peu moins en quantité pour travailler plus en qualité. Et, comme je suis curieuse d’avoir vos avis, n’hésitez pas à laisser un petit commentaire 😉